14 octobre 2019 à 18h00 salle Pierrotet | M. Stelian TANASE. Journaliste & écrivain. Ancien professeur à la Faculté des Sciences Politiques de l’Université de Bucarest.. |
Résumé
Panaït Istrati, « Le Gorki des Balkans » comme Romain Rolland l’a appelé, est aujourd’hui relativement oublié. Il y a environ 100 ans, il était une figure de taille européenne, tout d’abord en tant qu’écrivain à succès, avec plusieurs romans publiés en France, ensuite en tant qu’activiste de causes politico-idéologiques et fournisseur de rumeurs liées à celles-ci, amplement reproduites dans la presse de l’époque.
Le matériel sur la vie et l’œuvre de Panaït Istrati est relativement pauvre ; ni les maisons d’édition, ni les instituts de spécialité ne se préoccupent de la recherche de ses activités. Les archives roumaines ont conservé jusqu’à ce jour des dossiers contenant des milliers de pages dédiées à Panaït Istrati. La plupart provient des archives de la Siguranta (Sûreté) – la police secrète de l’État roumain durant l’entre-deux-guerres. Elles ont un contenu riche de rapports de ses agents, de notes des informateurs, de correspondance, de rapports des ambassadeurs roumains dans les États où Istrati est allé (notamment la France) de morceaux des journaux, etc. L’abondance du matériel est le résultat du fait que le service de la Siguranta a surveillé de près ses activités pendant 15 ans. En revanche, le matériel ne contient pas les informations de nature littéraire, ni celles recueillies par la propagande du Komintern, en Roumanie et en Europe. En 1917, lorsqu’il était dans une clinique en Suisse, Panaït Istrati s’est déclaré bolchévique, soutenant la révolution prolétaire mondiale dans la publication « La Feuille ». À partir de ce jour d’octobre 1917, il a publié des centaines d’articles, déclarations d’adhésions et entretiens, il a tenu des discours enthousiastes sur la patrie du communisme – l’URSS. Il était également un critique de la bourgeoisie, des régimes de la démocratie libérale et du capitalisme en Europe et, surtout, en Roumanie.
Naturellement, il est porté à l’attention de la Siguranta. En même temps, l’URSS était le principal adversaire de l’État roumain. Le Kremlin considérait la Roumanie comme un état multinational et agissait en vue de son démembrement. Istrati était connu à Bucarest comme l’homme de Moscou.
À la fin des années 20 (octobre 1927) il entreprend un long voyage en URSS. C’est le carrefour de sa vie. Au départ, il est un bolchévique enthousiaste, heureux d’avoir l’occasion d’aller dans la patrie des soviets. Il revient après avoir observé que la réalité était très différente de la propagande. Il se sent trompé. À son retour à Paris, il écrit « Après seize mois en URSS » où il témoigne sincèrement de ses expériences dans ce pays et les raisons pour lesquelles il a renoncé au bolchevisme.
À ce moment, le Komintern commence une vaste opération, dans toute l’Europe, ayant comme objectif la diffamation de Panaït Istrati, sur la base de calomnies, mensonges, faux et inventions. Ce sont les journaux financés par Moscou, les intellectuels bolchévisés et ses camarades de voyage qui y participent. Ce sont aussi les ambassades soviétiques. De même, les partis communistes et les syndicats rouges sont impliqués massivement dans ces attaques à l’encontre de l’écrivain. Le discours est différent par rapport à celui existant avant l’apparition de « Après seize mois en URSS ». Panaït Istrati doit être défait. La violence des attaques réside dans la volonté de Moscou de décourager d’autres désertions. Le fer de lance était Henri Barbusse. Il imputait à Panaït Istrati d’être l’agent de la Siguranta. C’était la plus infamante accusation qui pouvait être portée à quelqu’un.
Panaït Istrati passe les dernières semaines de sa vie tentant de rejeter ces accusations. Nous savons aujourd’hui, grâce aux archives, que Panaït Istrati n’était pas un agent de la Siguranta. Nous savons aussi qu’il apparait sur l’état de paiement du Komintern avec des sommes astronomiques. Panaït Istrati est atteint de tuberculose et meurt en avril 1935, à l’hôpital Filaret, à Bucarest, laissant aux contemporains l’image d’un écrivain plein de doutes, frénétique, un homme soutenant toute cause.
En effet, il avait traversé la vie politique en zigzag, en passant de la gauche radicale et bolchévique à l’extrême droite. Durant les derniers mois de sa vie (1934-1935), il a adhéré au groupement légionnaire dissident, formé par un adjoint de Zelea Codreanu, Mihai Stelescu, et il a publié dans la « Cruciada romanismului » (La Croisade du romanisme), le journal de ce groupement. L’énigme de Panaït Istrati a juste commencé à s’éclaircir. Les archives conservent encore beaucoup de mystères.
Stelian Tanase – CV

Diplômé de la Faculté de philosophie/histoire de l’Université de Bucarest, 1977. Docteur en sociologie politique, même université, 1996
Professeur des universités, Faculté des Sciences Politiques, Université de Bucarest (1995-2017)
Journaliste
1990 rédacteur en chef, Revista 22
1992 – 2013, fondateur, directeur de la revue Sfera Politicii
Réalisateur /modérateur tv
1999–2001, “Orient Express”,
2006”-2012 “Tanase si Dinescu”
Bourses
1993 Visiting Short-Term Fellow, Woodrow Wilson Center for International Scholar/ 1994 Visiting Scholar Woodrow Wilson Center for International Scholar /1996 Visiting Short-Term Collaborative research project, with professor Gail Kligman, UCLA /1997 Fullbright Scholar, Post Ph. D. grant, The New School for Social Research New York Publication/ 1998, Visiting short term, Holocaust Museum Memorial Center.
Livres – Non fiction:
1996 « Sfidarea memoriei » (avec Alex. Paleologu, ed. DU Style , Bucuresti (2ème ed. Dacia, 2002)
1996 “Revolutia ca esec. Elite si societate”, ed Polirom, Iasi
1997 « Anatomia mistificarii » Humanitas, Bucuresti, editia a doua 2003.
1998 “ Elite si societate, Romania sub guvernarea Gheorghiu-Dej, 1948-1965, ed. Humanitas, Bucuresti
1999 “Miracolul revolutiei –O istorie politica a caderii regimurilor comuniste),ed. Humanitas, Bucuresti
2008 “Clientii lu’tanti Varvara” ed. Humanitas, traduit aux USA, Angleterre, Espagne,
2010 “Cioran si Securitatea”, ed. Polirom,
2017 “Dinastia” ed. RAO 2017 (en collaboration avec Elena Vijulie)
2018” Conversatii cu Regele Mihai”, ed. Corint, 2018
Fiction
A publié 9 romans *** Sous presse Marele incendiator ” ed. Corint 2019