3 mars 2018 | M. Alexandru TEODORESCU, philologue, professeur retraité d’anglais et français dans des lycées en Roumanie et Allemagne, ancien détenu politique en Roumanie
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Résumé
« La Cellule des mineurs », publié chez Humanitas, Bucarest en novembre 2015, est l’un des milliers de livres des anciens détenus politiques qui dénoncent les crimes du communisme, notamment la réalité des geôles et des camps de travaux forcés. Arrivés au pouvoir, en Roumanie, avec l’appui de l’armée soviétique et par fraude électorale, les communistes instaurent un régime de terreur, de délation, de mensonges, de lutte de classe et éliminent leurs adversaires politiques. Ils ont falsifié le passé et le présent, ils ont sacrifié les générations présentes pour un avenir appelé par eux « radieux ».
C’est dans ce contexte historique, politique et social que l’action du livre « La Cellule des mineurs » se déroule. C’est l’histoire d’un groupe d’élèves du lycée « Matei Basarab » de Bucarest, des adolescents, racontée par l’un d’entre eux.
En septembre 1958, dix jeunes à l’âge de grands idéaux créent une organisation anticommuniste « Le Front de Libération Nationale » pour lutter contre la dictature et pour défendre leurs droits. Ils sont arrêtés et condamnés pour « crime de conspiration contre l’ordre social » à des peines de 5 à 23 ans de travaux forcés. Au procès, ils sont accusés d’être des « éléments hostiles » provenant de la bourgeoisie qui était le principal ennemi que les communistes voulaient éliminer. Pendant l’enquête, dans la prison et dans les camps de concentration, ils sont battus, torturés et punis cruellement. Quelle survie peuvent-ils espérer ? Cinq ans plus tard, ils sont graciés.
« La Cellule des mineurs » propose plusieurs lectures. D’abord comme histoire vécue. Ce sont des témoignages écrasants sur les crimes du communisme en Roumanie, mais également des témoignages sur leur résistance aux épreuves vécues. Epreuves qui ne les ont pas fait seulement atrocement souffrir mais ont forgé leur caractère.
Les cinq années passées en prison sont considérées par les jeunes comme des années de formation, leurs universités. Ce qui constitue une deuxième lecture. La question qui se pose est de comprendre comment un jeune homme peut survivre et évoluer dans des conditions aussi adverses que celles créées par les communistes pour supprimer leurs ennemis.
« La Cellule des mineurs » est un journal de la souffrance mais en même temps une dénonciation des crimes contre l’humanité. Ce livre est le roman de la jeunesse volée, de l’adolescent dans la société communiste. Les cinq ans en prison étaient une chaîne de situations-limite dans lesquelles mes camarades et moi n’avions qu’un choix : la lutte pour la survie. Et nous avons survécu à la barbarie des années cinquante et soixante. Ce n’était pas un miracle, c’était grâce à notre détermination de sauvegarder les valeurs de notre monde, son esprit que les communistes étaient en train de détruire.
« La Cellule des mineurs » a joui d’une bonne réception, a reçu de bonnes critiques. Le livre a été présenté dans des lycées, a été l’objet d’émissions de radio, m’a donné la chance de parler avec mes lecteurs et mes anciens camarades de classe, avec mes anciens élèves. J’ai pu revoir les lieux de détention : Jilava, Malmaison, Uranus.
Mais, nos traces ont été effacées. Dans l’ancienne prison de Malmaison, il y a un jardin d’enfants. Uranus a été démoli, le Fort 13 de Jilava est une ruine. On a tout fait pour effacer les crimes du communisme. Ces lieux de notre lutte, de notre souffrance n’existent plus que dans notre mémoire. J’ai voulu voir ma fiche matricule. On l’a cherchée dans les archives de l’école. Elle n’existe plus. J‘ai lu les deux monographies du lycée. La promotion 1959 n’est pas mentionnée. Pas de photos, pas de listes. Les détenteurs du pouvoir en Roumanie, qui sont ceux de l’époque communiste et leurs héritiers, s’efforcent de tout effacer et pire encore s’érigent en combattants contre le communisme.
Alexandru TEODORESCU – CV
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Alexandru Teodorescu est né le 19 novembre 1941 à Bucarest, fils du prêtre Ion Teodorescu de l’église Coltea, Il étudie au lycée „Matei Basarab” où en septembre 1958, étant en terminale, il adhère à l’organisation anticommuniste « Le Front de Libération Nationale » fondée par trois de ses camarades d’école. En mai 1959, ils sont arrêtés deux semaines avant le baccalauréat.
Bien qu’il soit encore mineur, il est condamné, pour crime contre l’ordre social, à une peine de 15 ans de travaux forcés, dépossédé de ses biens et privé de tous ses droits civils pendant 8 ans. En 1964, quand sous la pression de l’Occident les portes des prisons s’ouvrent pour la plupart des détenus politiques, ils sont tous graciés.
Al. Teodorescu doit travailler comme manœuvre sur des chantiers pour pouvoir terminer l’école et passer le baccalauréat au lycée „George Coşbuc” à Bucarest.
Après des études d’Anglais à l’Université de Bucarest (1965 – 1970), il est professeur d’anglais (1970 – 1976) d’abord au lycée „Matei Basarab” et puis au lycée „ C.A.Rosetti” à Bucarest, une école-pilote.
En décembre 1976, Alexandru Teodorescu est licencié pour avoir refusé de retirer sa demande officielle d’émigrer en Allemagne, où se trouvaient déjà ses beaux-parents.
En mai 1977, lui et sa femme quittent la Roumanie pour s’établir en Allemagne où il travaille comme professeur d’anglais au lycée „Bischof-Neumann- Schule” à Königstein im Taunus (1978 – 2003). En parallèle il fait des études de la langue et de la littérature française à Johann-Wolfgang Goethe Universität à Frankfurt am Main pour enseigner, à partir de 1981, également le français dans ce même lycée.
En juin 2003, le professeur Teodorescu prend sa retraite et de 2004 à 2009 fait des études d’Histoire de l’art à J.W.Goethe Universität à Frankfurt où il est inscrit, après avoir passé l’examen préliminaire, à un doctorat en histoire de l’art. Thèse de doctorat : Charles Lebrun, Premier Peintre de Louis XIV. L’artiste comme producteur d’image au temps de l’Absolutisme.
Publication du roman La cellule des mineurs, Humanitas, Bucarest 2015, 274 p.