Ovidius, de la réalité à la fiction. La personnalité du poète entre amour et désespoir, entre révolte et résignation

20 mai 2017
        à 16h30

Mme Cristina TAMAS (philologue, Professeur des Universités, Doyenne de la Faculté de Lettres à l’Université Ovidius, Constanta)

 

Résumé

Exilé sur les terres Daco-thraces du Pontus Euxinus, Publius Ovidius Naso a été le premier poète de cet espace ; il y a passé les huit dernières années de sa vie. Dans ses célèbres Tristia et Epistulae ex Ponto, collections des élégies, il parle de sa situation d’exilé auquel Rome, sa maison, sa famille, ses amis ont manqué cruellement ; il essayait de gagner le pardon et la permission de retourner à Rome.

En parlant de ce fameux poète romain, nous touchons aussi à la réalité qu’à la fiction ; ce tenerorum lusor amorum (« chanteur plein d’esprit de l’amour facile »), comme lui-même s’est intitulé écrit aussi sur l’amour malheureux, trahi ou non partagé. Il se situe à la frontière entre amour et désespoir, mais aussi entre révolte et résignation, comme cela ressort de ses œuvres telles que Tristia, Epistulae ex Ponto, Amores, Ars Amandi, Remedia Amoris. D’autre part, il faut noter également que ses œuvres constituent de véritables sources pour l’histoire de la région de son exil.

Dans notre communication, nous nous proposons de reconsidérer la pensée ovidienne telle qu’elle est apparue dans la vision des auteurs d’origine roumaine où le poète latin devient personnage central : Vintila Horia, avec son roman « Dieu est né en exil », Marin Mincu avec « Moartea la Tomis. Jurnalul lui Ovidiu « (La Mort à Tomis. Journal d’Ovidius), Michael Solomon, « Acasa intre doua lumi. Romanul lui Ovidiu » (Chez soi entre deux mondes. Le Roman d’Ovide).  Le poète latin, exilé à Tomis apparait dans les dernières huit années de sa vie, épuisé par un stoïcisme serein et l’espoir de revenir sur ses terres natales.

Ainsi « Dieu est né en exil » (le prix Goncourt en 1960) est à partir d’un moment donné une élégie de l’exil, un voyage initiatique vers une nouvelle religion, le christianisme. Ovide, le poète devenu personnage, redécouvre le vrai amour et comprend d’une manière différente les sens de l’amour comme il l’avait conçu dans ses écrits de Ars Amandi.

Chez Marin Mincu, la mise en scène se transforme, se métamorphose en une mise en abîme. Le Poète ne se considère pas vaincu par la mort, il est vaincu par son destin, par l’exil. Et le Pontus Euxinus, la mer, avec ses couleurs changeantes, ses vagues tourbillonnantes deviennent cadre et personnage dans cette œuvre que Umberto Eco ne réussissait pas à intégrer en un genre littéraire précis. “Je ne pouvais pas me décider – avouait Umberto Eco – de considérer ce livre de Marin Mincu un roman ou une biographie transformée en mythe.” A notre avis, il s’agit d’une métaphore sur l’existence, d’un mythe à la frontière entre deux mondes : le réel et l’irréel, la vie et la mort. L’Exil lui apparaît comme un passage, une étape nécessaire et le poète ne peut pas s’abstenir de reconnaître la fascination exercée par la mer et le Pontus Euxinus.

Ce qui est fascinant dans ces mémoires c’est la permanente parallèle Rome/Tomis qui représente, en fait, un parallèle entre le bonheur et le malheur, entre la certitude et l’incertitude. Cette pendulation permanente entre l’harmonie et l’inquiétude détermine

Ovide à faire une constatation triste : il ne vient pas à Tomis par hasard, mais pour mourir “Et desunt fatis sola sepulchra meis” (“Seulement un tombeau manque à mon destin”).

La condition de l’exilé se déroule autour de l’idée de patrie, de pays, autour d’une dichotomie entre l’idée de l’exil intérieur et l’exil extérieur ; la solitude caractérise les deux.  Pour apporter plus d’authenticité, les écrivains qui se sont penchés sur le parcours biographique d’Ovide ont utilisé la forme du Journal qui impose surtout une autoréflexion de celui qui note et le recours à l’Histoire, à la présentation de la vie des Thraces contemporains à Ovide.

Quoi qu’il soit mort avec la pensée et le cœur toujours à Rome, le poète Publius Ovidius Naso a gagné, par la beauté et la valeur de ses écritures, les âmes des habitants de Pontus Euxinus, devenant un emblème du Tomis contemporain.

 

Cristina TAMAS – CV

  

Mme Cristina Tamas est professeur des Universités et Doyenne de la Faculté de Lettres de l’Université « Ovidius » de Constanta. Diplômée de l’Université « Alexandre Ioan Cuza », Iasi (1976), elle a soutenu sa thèse intitulée : « Le phénomène Baudelaire et la poésie roumaine moderne » en 1998.

Depuis 1999 elle enseigne le français à l’Université « Ovidius » de Constanta où elle a développé toute sa carrière universitaire, en parcourant tous les échelons d’assistant à professeur titulaire et où elle a eu et a de nombreuses responsabilités, notamment étant membre du Sénat (2002-2012).

Mme le Prof. Cristina Tamas a eu également d’autres responsabilités : Vice-président de l’Alliance française de Constanta (1991-2016), Présidente de la filiale Dobrogea de l’Union des écrivains de Roumanie (2009-2013), membre fondateur de l’Association Roumanie-Israël, membre de la Société des Auteurs « Copy Ro », Membre du Centre d’études et de recherche religieuse, canonique et juridique des trois religions monothéistes (mosaïque, chrétienne et islamique), Université Ovidius de Constanta.

Mme Cristina Tamas a publié 5 livres de spécialité, est auteur et co-auteur de plus de 50 articles scientifiques parus dans des revues spécialisées et a fait des conférences dans le domaine au niveau national et international. Elle est actuellement rédacteur chef des « Annales de l’Université « Ovidius » de Constanta, Série Philologie ».

Elle est aussi auteur de 5 romans, de plusieurs livrets, de traductions et de 3 volumes de théâtre. Entre 1990 et 2005, elle a collaboré avec Radio Constanta (chaque semaine, 1 ou 2 émissions culturelles intitulées : « Lauréats du prix Nobel de littérature », « Ecrivains du Pontus Euxinus », « Littérature universelle », « Littérature du XX ème siècle », « Nouvelles éditoriales »). En outre, Mme Tamas a eu une série de collaborations dans la presse (revues « Tomis », « Luceafărul », « Cronica », « Ex Ponto » ; journaux : « Dobrogea Nouă », « Litoral », « Cuget-Liber »).

Mme Cristina Tamas a reçu de nombreux prix : 9 littéraires pour ses romans et pièces de théâtre, prix d’excellence pour la promotion des valeurs de la société roumaine ; des valeurs européennes, etc.