18 octobre 2014 | M. Vlad BEDROS — Maître de Conférences, Faculté d’Histoire et de la Théorie de l’Art, Université Nationale d’Art, Bucarest |
Résumé
Le 15 août 1714, les ambassadeurs européens auprès le Sultan de l’Empire Ottoman assistaient, à son invitation, au spectacle de l’exécution du Prince Constantin Brancovan, de ses quatre fils et de son gendre. En reniant leur croyance, ils auraient pu échapper à ce sort tragique qui n’était que la conséquence de la place que le prince roumain occupait sur la scène internationale de l’époque. Les presque vingt six ans du règne de Constantin Brancovan – un record absolu pour cette période d’incessante instabilité – commencent sous les auspices de la défaite des Turcs sous les murs de Vienne et de l’ascension du pouvoir des Habsbourg dans le sud est de l’Europe. Le prince a donc du trouver une difficile formule de cohabitation avec les trois grands pouvoirs antagonistes (les Autrichiens, les Russes et les Turcs), moyennant un art exquis du compromis politique.
En même temps, sous le règne de Constantin Brancovan, prince éclairé, l’art et la culture en général, connaissent un grand essor et un renouveau indéniable, d’une réelle originalité. Le progrès de la littérature en langue roumaine, l’intense activité typographique, la richesse de la bibliothèque privée du prince – qui possédait même les plus récentes éditions des grands auteurs byzantins (publiées par Du Cange), le haut niveau de l’enseignement offert par l’Ecole princière, la splendeur des églises et des monastères édifiés ou seulement restaurés, la beauté architecturale et artistique des palais et résidences officielles, le raffinement de la cour, dévoilent l’envergure culturelle du prince. Celle-ci s’exprime en grande partie par sa largesse, dans la tradition byzantine, envers l’Eglise et ses œuvres culturelles ; la culture et l’art restent principalement, à cette époque, un apanage ecclésiastique. Les prémisses culturelles apparues pendant la seconde moitié du XVIIème siècle se sont épanouies. Elles mélangent la tradition locale avec les influences du Baroque européen et de l’Orient islamique, dans une originale formule éclectique nourrie par l’art byzantin. Cet esprit de « renaissance byzantine » est l’un des traits les plus surprenants de la culture de l’époque, une dernière affirmation de l’internationalisme hellénique, avant la naissance du nationalisme hellénique sous l’influence accrue des Lumières.
Cette conférence se propose de présenter les quelques traits essentiels de la culture et de l’art pendant le règne de Constantin Brancovan (traditionalisme, byzantinisme, polémique confessionnelle contre le Catholicisme et la Réforme, adhésion aux valeur culturelles de l’humanisme européen pré-moderne) et de les aborder dans leur contexte politique.
En guise de conclusion nous soulignerons l’importance, dans l’histoire de la Roumanie, de Constantin Brancovan, ce repère de courage, dignité et moralité pour lequel l’identité, l’âme, les grands principes sont des valeurs non-négociables. D’autre martyrs roumains ont suivi son exemple dans l’histoire du pays, surtout dans celle du XXème siècle.
Vlad BEDROS – CV
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Vlad Bedros, docteur en histoire de l’art, est maître de conférences à l’Université Nationale des Arts de Bucarest, où il enseigne l’art roumain médiéval, et est chargé de recherche à l’Institut d’histoire de l’art « G. Oprescu » de l’Académie Roumaine. Dans les domaines de l’art roumain des XVème et XVIème siècles et de l’héritage artistique arménien en Roumanie, il a publié plusieurs articles et pris part à plusieurs conférences internationales. Il a aussi participé au projet de réalisation d’un répertoire iconographique des peintures murales de l’époque du Constantin Brancovan dans le district de Vâlcea. Vlad Bedros est ancien boursier du Collège « La Nouvelle Europe » de Bucarest et, actuellement, boursier postdoctoral de l’Académie Roumaine.