Patrimoine, vie civique et vie politique à Bucarest

09 février 2013
     à 16h30

Nicusor DAN – mathématicien, chercheur
à l’Institut des Mathématiques de l’Académie Roumaine, Bucarest 

 

Résumé

La destruction du patrimoine construit en Roumanie est plus grave après 1990 qu’elle ne l’a été pendant l’époque Ceausescu. Et la situation à Bucarest est plus grave que dans le reste du pays. Plus de 1000 immeubles parmi les 18.000 qui composent les quartiers historiques ont été démolis dans les dix dernières années. Des centaines d’insertions d’immeubles inappropriés ont vu le jour dans ces quartiers historiques.

Le contexte administratif est défaillant. La grande majorité des démolitions et des interventions urbaines a obtenu l’avis favorable du Ministère de la Culture roumain. On peut estimer que la moitié des nouvelles constructions est illégale. Les institutions de contrôle (les mêmes que dans l’administration française) sont inactives.

Face à cette situation, la société civile a commencé à réagir et à partir de 2006, un mouvement de résistance s’est constitué à Bucarest. Des manifestations publiques contre des projets immobiliers importants ont eu lieu. Après la publication en 2008 du rapport Bucarest, un désastre urbanistique, les revendications sont devenues plus systématiques. La loi d’urbanisme a pu être ainsi changée en 2009 interdisant des insertions inappropriées dans les quartiers historiques. Faut-il encore que la loi soit respectée.

Mais on ne la respecte pas en Roumanie, comme le prouvent les  centaines d’exemples des réclamations faites, à partir de 2009, par les habitants de la capitale. À partir de cette date, avec le début de la crise, les médias, sous contrôle politique, n’ont plus la possibilité de s’exprimer librement sur ce sujet. Les défenseurs du patrimoine perdaient ainsi leur plus grand allié. Sans pression des médias, les politiciens devenaient insensibles aux questions du patrimoine et, plus grave, au respect de la loi. Le seul outil qui restait aux défenseurs du patrimoine était la justice. 90 procès ont été intentés aux mairies de Bucarest, dont un bon nombre ont eu une issue favorable.

Même si les procès ont changé, dans une certaine mesure, le comportement des mairies de Bucarest, ils ne pouvaient pas résoudre la question d’ensemble. La voie politique restait, dans le contexte, la seule possible.

Face à cette situation, le président de l’Association Sauver Bucarest  s’est présenté aux élections municipales de 2012  pour la Mairie de Bucarest. Sa campagne électorale a débuté avec 30 volontaires et 20.000 euros. Bien sur, la question du patrimoine a été intégrée dans une vision globale du développement de la ville. La campagne a généré un grand enthousiasme, surtout au niveau des jeunes et des gens cultivés. Des centaines de volontaires y ont travaillé et les dons ont été nombreux. Les résultats du scrutin ont été en rapport avec ces efforts ; 70.000 voix soit 9% du total des voix exprimées.

La conférence débutera par la présentation commentée d’images mettant en évidence la destruction du patrimoine de Bucarest ces dernières années. Suivra l’histoire du mouvement de résistance esquissé ci-dessus, en expliquant également avec des exemples le contexte politique et administratif roumain. L’histoire de la campagne électorale pour la Mairie de Bucarest, de l’été 2012, sera également analysée  et pour conclure quelques prévisions portant sur l’avenir du patrimoine seront abordées.

Nicusor Dan – CV

Né en 1969 à Fagaras, Roumanie. Etudiant en mathématiques à l’Université de Bucarest, il a poursuivi ses études, à partir de 1992, à l’École Normale Supérieure de Paris et à l’Université Paris XIII, où il a obtenu en 1998 le doctorat en mathématiques. En 1998 il est retourné à Bucarest et il est depuis chercheur à l’Institut des Mathématiques de l’Académie Roumaine.

Nicusor Dan est l’un des fondateurs, en 2000, de l’École Normale Supérieure de Bucarest – institution universitaire créée sur le modèle de l’École Normale Supérieure de Paris – dont il a été directeur administratif de 2000 à 2006.

À partir de 2006, il s’est impliqué dans la préservation du patrimoine de Bucarest ; a fondé en 2008 l’Association Sauver Bucarest, dont il est le président et son représentant devant la justice. En 2012 il a été candidat à la mairie de Bucarest.