samedi 29 septembre 2012 | Vlad Constantinesco, juriste, professeur des universités – Strasbourg |
Résumé
Cette conférence n’a pas pour objet de tracer le portrait d’un homme qui a choisi l’exil pour être libre, selon le mot de Nietzsche, mais simplement de mettre l’accent sur l’une des dimensions fortes de son existence, son engagement en faveur de l’unité européenne, ce qui va conduire à passer sous silence d’autres aspects de sa vie, et notamment le rôle qu’il a pu jouer dans l’exil roumain.
Après de fortes études de droit, à Bucarest puis à Paris où il obtient trois Diplômes d’études supérieures avec mention, L-J. C soutient le 1940, devant la Faculté de droit de Paris, une thèse sous la direction de René Cassin (le futur conseiller juridique du général De Gaulle, le futur inspirateur de la Convention européenne des Droits de l’Homme, le futur vice-Président du Conseil d’Etat français) consacrée à un sujet de droit comparé : « La résolution des contrats synallagmatiques en droit allemand ». Il est envoyé, en 1941, au Portugal, en qualité de Conseiller de presse près la Légation de Roumanie à Lisbonne, où Mircea Eliade le rejoindra quelques mois plus tard, comme Conseiller culturel.
L’évolution de la situation politique de son pays le conduit, avec sa famille, à ne pas revenir en Roumanie. Commence dès lors, dans des conditions matérielles extrêmement difficiles, une quête pour la survie des siens, mais aussi un engagement en faveur de l’Europe.
Il prend part ainsi à le fameux Congrès de La Haye (1948), qui rassemble toute l’intelligentzia européenne de l’époque, et où sont jetées les bases de l’organisation politique, économique et juridique du continent européen, et il y fait entendre, avec d’autres, la vois des « nations captives », qui se trouvent, contre leur volonté et par la collusion entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Union soviétique, sous le joug de cette dernière puissance.
Dès cette époque, il rejoint les rangs du Mouvement Fédéraliste Européen, qui milite en faveur d’une Europe politique, et qui ne se satisfait pas de la première réalisation issue du Congrès de La Haye : le Conseil de l’Europe. Il soutiendra la Déclaration Schuman (9 mai 1950), qui conduira à la première Communauté européenne : celle du Charbon et de l’Acier.
Ayant réussi à prendre pied, comme simple assistant, dans l’université franco-allemande de la Sarre, il va y poursuivre une carrière universitaire, qui le conduira au professorat et à la direction de l’Europa-Institut de l’université de la Sarre. Commence là le second volet de son engagement européen. Il s’agit, parallèlement aux réalisations que mettent en œuvre les trois Communautés européennes en action (CECA, CEE, CEEA), de construire, sur le plan de la doctrine juridique, le droit communautaire européen. L’expérience communautaire, nouvelle et sans précédents véritables, se distingue à la fois du droit interne et du droit international et retient, de ce fait, l’attention des juristes les plus attentifs.
On peut dire que les travaux scientifiques de L-J. C, et en particulier ses deux ouvrages : L’applicabilité directe dans le droit de la CEE (1970), et Das Recht der Europäischen Gemeinschaften, Band I. Das institutionnelle Recht (1977) constituent des œuvres pionnières du droit européen, et ont contribué à le constituer en objet scientifique spécifique. La vision explicative et synthétique qui se dégage de ces travaux, leur caractère structuré et didactique, la profondeur des analyses et la richesse des références font de ces livres des points de passage toujours actuels pour qui voudrait comprendre les caractéristiques et les enjeux de cette nouvelle branche du droit.
A ces publications, on doit ajouter les trois volumes du Traité de droit comparé, disponibles aujourd’hui en français, allemand, italien, portugais, espagnol et roumain. Par une compréhension rigoureuse des caractéristiques majeures grands systèmes juridiques, si différents les uns des autres, L-J. C démontre leurs liens avec les cultures dont ils sont issus et qu’ils expriment. Chaque système est irréductible aux autres, ce qui n’interdit pas les tentatives de rapprochement et d’harmonisation, comme celles que l’Union européenne encourage dans le domaine du droit des obligations.
Vlad Constantinesco – CV
Agrégé de droit public et de sciences politiques (1974), aujourd’hui professeur émérite de l’université de Strasbourg, Vlad Constantinesco a enseigné aux universités de Nancy, Beyrouth, et Rabat, au Collège d’Europe à Bruges et Natolin, ainsi que dans de nombreuses universités étrangères. Il est docteur honoris causa des universités de Cluj, Bucarest, Fribourg, Lisbonne. Ses publications concernent le droit constitutionnel et le droit de l’Union européenne. Dernier livre publié, avec le professeur Stéphane Pierré-Caps : Droit constitutionnel, Paris, PUF (collection Thémis) 5e édition, 2011.