La crise de l’euro – la fin de l’euro est-elle en vue ?

12 mai 2011         

Prof. Dr. Florin Aftalion, professeur émérite à l’ESSEC

 

Résumé

L’euro n’a pas tenu les promesses de ses pères fondateurs. Il n’a apporté ni stabilité ni croissance. Pourtant ce n’est pas pour cette raison qu’il risque de disparaître. C’est la volonté de plusieurs états de le sauver coute que coute qui lui apportera le coup fatal. Voici pourquoi

Rappelons pour commencer que tous les gouvernements ont périodiquement recours aux marchés de capitaux. Soit parce qu’ils renouvellent périodiquement des dettes arrivées à échéance soit parce qu’ils doivent financer leurs déficits budgétaires courants. Cependant, tous les gouvernements ne sont pas placés à la même enseigne. Alors que l’Allemagne doit aujourd’hui payer un intérêt inférieur à 3,5% pour un emprunt à dix ans, ce taux dépasse largement 10% dans le cas de pays de la zone euro jugés les plus risqués.

Si aujourd’hui le différentiel de rémunération entre les obligations des gouvernements des pays dits du centre de l’union monétaire (Allemagne, Autriche, Finlande, Pays Bas) et celles des pays dits périphériques (Grèce, Portugal, Espagne, Irlande) est très importante il n’en a pas toujours été ainsi.

En effet, depuis sa création en 1999 la zone euro a connu une période d’apparente prospérité qui n’a pris fin qu’avec la crise de 2008. Pendant cette période, tous les gouvernements empruntaient dans des conditions quai-identiques. De plus, les taux d’intérêt à court terme exceptionnellement bas fixés par la Banque centrale européenne (BCE) ont donné un coup de fouet aux économies de la zone et en particulier à celles des pays périphériques. Dans leur cas, une inflation supérieure à celle de la moyenne des pays de la zone a induit des taux d’intérêt réels (différences entre les taux nominaux et les taux d’inflation) négatifs. Qui à leur tour ont relancé et l’inflation et la croissance.

En 2008, lorsqu’est survenue la crise dite des subprimes il apparut qu’un pays comme la Grèce était fortement endetté (plus fortement qu’on ne l’avait cru Athènes ayant eu largement recours à de la comptabilité créative), souffrait d’un déficit budgétaire colossal et affichait des prix qui désormais l’empêchaient de concurrencer les pays du centre de la zone euro.

Lorsqu’au début de l’année 2010 la Grèce dut faire appel au marché des capitaux pour renouveler sa dette il apparut qu’elle aurait à payer des taux sans commune mesure avec ceux qui lui avaient été accordés jusque là. Ses créanciers avaient compris que la crise avait fragilisé ses finances et qu’Athènes risquait un jour de ne plus être capable de payer ses créanciers. Ce qui a provoqué la crise de l’euro !

Les institutions de Bruxelles se sont alors trouvées devant un dilemme : laisser la Grèce faire appel au Fonds Monétaire International (FMI) qui lui aurait accordé le prêt dont elle avait raison tout en lui imposant un plan d’austérité ou laisser la Grèce faire seule face à la crise, c’est-à-dire faire défaut sur une partie de sa dette.

Le traité de Maastricht aurait voulu qu’aucun pays de la zone euro ne vienne au secours de la Grèce (clause dite de no bail-out). C’est pourtant ce que les pays de la zone euro, France et Allemagne en tête, décidèrent de faire. Un fonds de 110 milliards d’euro fut mis en place avec la participation du FMI, cette institution étant en plus chargée de s’assurer qu’Athènes appliquait bien le plan d’austérité qui lui était imposé.

Dans ces conditions, les bureaucrates de Bruxelles et de Washington pensaient qu’en 2012 la Grèce serait capable de retourner se financer sur les marchés. Autrement-dit, que ce pays qui souffrait de surendettement en serait guéri en alourdissant ses dettes de moitié !

Depuis le sauvetage de la Grèce, des facilités de refinancement ont été accordées à l’Irlande et au Portugal, autres pays confrontés à des crises de liquidité. L’existence de ces fonds repose sur le principe de la solidarité financière (contraire, répétons-le, au traité de Maastricht). L’ensemble des pays de la zone euro s’est en effet engagé à mettre, sous condition, à la disposition de pays membres éprouvant des difficultés de refinancement les montants dont ceux-ci auraient besoin grâce à un fonds gigantesque de 750 milliards d’euro. Les crises de liquidité seraient susceptibles, pensait-on, d’être de cette façon évitées.

Mais déjà des craquements se font entendre. Le plan d’austérité imposé à la Grèce il y a un an n’a pas donné les résultats escomptés. Les dépenses budgétaires de ce pays n’ont pas été assez réduites, ni son marché du travail suffisamment réformé, ni les privatisations annoncées entamées. Et pourtant chômage et troubles sociaux s’aggravent sans cesse alors que la Grèce doit de nouveau emprunter. Les marchés des capitaux lui sont de facto fermés et les autres pays de la zone ne s’accordent pas sur les conditions d’un nouveau prêt.

Dans le passé de tels plans d’austérité ont pourtant souvent donné les résultats attendus. Le Portugal, par exemple, en a appliqué un en 1983. Il lui a permis de retrouver la croissance et l’équilibre de ses finances. Mais, détail essentiel, il était assorti d’une dévaluation de l’escudo. Faute d’une dévaluation qui impliquerait sa sortie de l’euro, il est à craindre que la Grèce, restée non compétitive, ne parvienne pas à rétablir ses finances. Son endettement continuant à augmenter (tant en termes absolus que par rapport à son PIB) il faudra bien se rendre à l’évidence : la restructuration de sa dette est inévitable comme l’est aussi sa sortie de la zone euro.

Une telle issue serait extrêmement coûteuse pour tous les pays dont les banques détiennent de la dette grecque et aussi pour la BCE elle-même gros créancier de la Grèce. Sans doute entrainerait-elle une crise de dimensions mondiales certainement très difficile à supporter. Mais il est évident que plus elle est différée par l’accumulation de prêts plus in-fine elle couterait cher.

Florin Aftalion – CV

Economiste libéral réputé, Florin Aftalion a une formation d’ingénieur ENSPM et devient par la suite docteur en sciences physiques de l’Université de Paris. Il obtient en 1972 un MBA à la Northwestern University puis en 1975 un doctorat en finance, dans la même université. Il est professeur de finance à l’Ecole supérieure de sciences économiques et commerciales – ESSEC, et a enseigné l’économie et la finance aux universités de New York, Northwestern et de Tel-Aviv. Il a de nombreuses publications et a cofondé et dirigé la collection Libre Echange aux Presses universitaires de France. Il est membre de la Société du Mont Pélerin et du conseil scientifique de l’ALEPS.