L’exil roumain anticommuniste et la résistance par la culture

13 octobre 2011
         

Dr. Nicolae Florescu, critique litéraire, journaliste,
directeur du périodique Jurnalul Literar

 

Résumé

Au lendemain de la deuxième guerre mondiale et de l’occupation par l’armée soviétique de la Roumanie, une partie des nombreux réfugiés roumains en Occident essaient de trouver les meilleures voix pour combattre le communisme et défendre leur pays. On y trouve des hommes politiques,  militaires, diplomates, intellectuels et étudiants. Leur nombre augmente jusqu’à l’instauration de la république populaire et la fermeture des frontières en 1947. Un nombre relativement important des intellectuels et diplomates réfugiés étaient en poste dans les ambassades de Roumanie. Notre communication ne porte pas sur les actions et activités à caractère purement politique de l’émigration roumaine, tel le Gouvernement roumain en exil organisé sous la conduite du général Nicolae Radescu, le dernier premier ministre de la Roumanie libre, mais se résume aux actions à caractère culturel. Il s’arrête surtout sur le mémoire  d’un groupe d’intellectuels roumains en exil à Paris présenté au général Nicolae Radescu le 28 décembre 1947. Ce mémoire se trouve à la base du concept de « résistance par la culture » et représente un moment dans la lutte contre l’occupation soviétique en Roumanie. Il est essentiel pour la compréhension du sens et du rôle de la « résistance par la culture » dans l’histoire de la lutte des roumains pour la reconquête de leur liberté.

Mircea Eliade se trouve au cœur de la  conception et de la mise en œuvre de la « résistance par la culture ». Il arrive,  le 15 septembre 1945 du Portugal à Paris, où il est attendu par Emile Cioran. Il  emmène avec lui des manuscrits où ce concept se trouvait esquissé. Eliade était déjà attentivement surveillé par les nouvelles autorités politiques installées à Bucarest. Une année plus tôt, le journal du parti communiste Scintea l’avait violemment attaqué le présentant comme « un idéologue du mouvement légionnaire, apologiste de la dictature de Salazar ». L’arrivée à Paris déclenche à Bucarest une nouvelle offensive de dénigrement. Sa personnalité et sa renommée inquiétaient.

Dès les premières semaines après son établissement à Paris, Mirca Eliade semble déjà avoir conçu un programme idéologique et politique de lutte anti communiste. Des nombreux intellectuels  s’y engagent ainsi que quelques hommes politiques tels ceux groupés autour de Grigore Gafencu et plusieurs membres  du parti national libéral qui avaient quitté le pays.

Le mémoire présenté au général Radescu le 28 décembre 1947 était signé par Mirca Eliade, Léontin Jean Constantinescu, Lucian Badescu, Vintile Brateanu, Mihail Farcasanu, Grigore Gafencu, Nicolae Herescu, Emil Ghilesan, George Duca, Octavian Nandris, Nicolae Caranfil et d’autres. Il mettait l’accent sur l’aspect culturel de la résistance anti communiste dans lequel le problème du sauvetage de la langue, des traditions et de la spiritualité du peuple roumain était essentiel.  Le mémoire expose les actions menées par les cercles politiques des roumains exilés, présentées comme sporadiques et non représentatives, en opposition avec le programme proposé par les intellectuels soutenus par les étudiants roumains vivant dans les pays occidentaux, considéré comme ayant du succès. Au premier plan de ce programme, se trouve : « le caractère national de la cause que tous les roumains doivent défendre solidairement ». En même temps il souligne que les actions « réellement roumaines et sincèrement démocratiques » exigeaient «  l’union de tous pour la défense de la cause nationale en écartant toute dispersion au nom de critères partisans ». La défense de la cause nationale était pensée par les signataires du mémoire à travers « un mouvement national large et unitaire » agissant au-delà des frontières dans une parfaite synchronisation avec la résistance anti communiste en Roumanie.

Nicolae Florescu – CV

Licencié en philologie de l’université A.I. Cuza, Iasi, il obtient son doctorat à l’université de Bucarest en 1994. Il est chercheur scientifique principal à l’institut G. Calinescu de l’Académie Roumaine, rédacteur en chef adjoint de la revue « Manuscriptum «  ( 1972-1982), rédacteur en chef de la « Revue d’Histoire et Théorie Littéraire » de l’Académie Roumaine (1983-1990), rédacteur en chef du « Jurnalul Literar » (1990-ce jour). N. Florescu a débuté en 1983 avec le volume « Profitabila Conditie » et a continué avec les monographies de N. Cartojan, A. Olban, M. Sadoveanu. Il est l’auteur des volumes « Inapoi la Aristarch » et un spécialiste de l’histoire littéraire de l’exil roumain.